Le corps fonctionne en système, pas en pièces détachées

La mâchoire. Le cou. Le bassin. Tout est lié.Alors pourquoi continue-t-on à soigner comme si chaque partie du corps vivait en autarcie ? Cette question, longtemps intuitive, trouve désormais une base scientifique solide.

En 2025, la recherche confirme ce que les praticiens observaient déjà au fauteuil depuis des années : les patients souffrant de dysfonction cranio-mandibulaire (DCM) présentent très souvent des troubles posturaux associés, douleurs cervicales, tensions lombaires ou déséquilibres musculo-fasciaux.

La langue, le larynx, le diaphragme et le plancher pelvien ne fonctionnent pas indépendamment. Ils constituent une chaîne myofasciale continue, connectant la sphère orale à la structure posturale globale. Même sur le plan embryologique, la mâchoire et le bassin partagent des origines communes. Autrement dit : ce qui se passe dans la bouche se répercute bien au-delà.

Une réalité clinique encore trop peu intégrée

Malgré ces preuves, le soin reste souvent morcelé. Un patient présentant des douleurs diffuses passe d’un praticien à un autre, dentiste, kinésithérapeute, ostéopathe, ORL,sans réelle coordination. Une occlusion déséquilibrée est traitée comme un problème purement local, et les interactions entre postures, tensions musculaires et alignement mandibulaire restent sous-évaluées.

Ce fossé n’est pas qu’une question de théorie. Il est structurel : nos systèmes de formation, nos organisations de soins et nos habitudes professionnelles continuent de fonctionner en silos.

Et ce cloisonnement a un coût :

  • des soins parfois inefficaces,
  • une surmédicalisation inutile,
  • des patients déçus, en souffrance, souvent en errance diagnostique.

Quand la science confirme ce que le terrain pressentait

Les études récentes démontrent que la mâchoire agit comme un centre de coordination posturale. Un déséquilibre occlusal peut modifier la tension des muscles cervicaux, impacter la position du bassin, voire influencer la stabilité lombaire.

Inversement, une posture désaxée peut perturber l’occlusion ou aggraver des troubles temporo-mandibulaires. Ce jeu d’interactions descendantes et ascendantes met fin à une vision purement “dentaire” des douleurs de l’ATM. Il appelle à une prise en charge systémique et interdisciplinaire.

Relier la bouche au corps : le combat d’ODENTH

C’est précisément le cœur du travail de l’Association ODENTH, qui milite depuis plus de trente ans pour une approche globale de la santé bucco-dentaire. Son objectif : reconnecter la pratique dentaire au fonctionnement global du corps humain, en intégrant les apports de la posturologie, de la kinésithérapie et de l’ostéopathie dans la réflexion clinique.

Chaque année, le Congrès ODENTH réunit à Aix-en-Provence des praticiens de toutes disciplines pour réfléchir ensemble à ces articulations fonctionnelles. Non pas pour “changer de médecine”, mais pour rendre la nôtre plus cohérente. Pour apprendre à collaborer plutôt qu’à se juxtaposer. Et pour construire une dentisterie intégrative, où le traitement de la douleur passe par la compréhension du mouvement, de la posture et des chaînes myofasciales.

 Vers une médecine dentaire vraiment connectée

Relier la bouche au reste du corps, ce n’est pas une théorie alternative. C’est une évidence biomécanique, physiologique, scientifique. C’est admettre que la santé bucco-dentaire n’est pas un secteur isolé, mais une composante essentielle de l’équilibre global du patient.

Changer notre regard sur la dysfonction cranio-mandibulaire, c’est redonner du sens au soin. C’est reconnaître que chaque symptôme, chaque tension, chaque déséquilibre a une résonance systémique. Et c’est accepter que le futur de la dentisterie ne réside pas dans la spécialisation extrême, mais dans la connexion des savoirs.