Parce qu’un soin commence toujours par une parole. La communication entre un chirurgien-dentiste et son patient ne se limite pas à expliquer un plan de traitement. C’est un levier thérapeutique à part entière. Et une compétence de plus en plus attendue — voire exigée — dans un contexte où la relation de soin est sous pression.
Alors, comment faire passer les bons messages sans brusquer ? Comment rassurer sans infantiliser ? Voici des techniques concrètes et validées pour instaurer une communication bienveillante… et efficace.
Un enjeu central de la pratique dentaire
En 2023, selon une étude de l’UFSBD (Union française pour la santé bucco-dentaire), 48 % des patients affirmaient ressentir de l’appréhension à l’idée de consulter un dentiste. Parmi eux, 21 % évoquaient une mauvaise expérience passée liée à un manque d’écoute ou à un discours trop abrupt.
La communication bienveillante n’est donc pas un « plus »… c’est une réponse directe à un problème concret : la peur, la méfiance, voire la fuite du soin. Dans un cabinet, cela peut se traduire par des rendez-vous non honorés, des refus de traitements, ou une perte de fidélisation. Bref, un impact direct sur l’activité.
Mais ce n’est pas tout. La HAS insiste depuis plusieurs années sur l’importance de la relation thérapeutique dans l’adhésion au soin. Et dans les cabinets dentaires, où la technicité peut impressionner et les soins être douloureux, cette relation est encore plus déterminante.
Pourquoi maintenant ? Une évolution des attentes… et des pratiques
Le virage patient-centré ne date pas d’hier, mais il s’accélère. D’un côté, les patients sont de plus en plus informés (ou désinformés), exigeants, et sensibles à la façon dont on leur parle. De l’autre, les professionnels de santé, sous tension, doivent optimiser leur temps… tout en maintenant une qualité relationnelle irréprochable.
Résultat : il faut faire mieux, plus vite, avec plus d’humanité. Pas simple.
À cela s’ajoutent des obligations légales croissantes : depuis la loi Kouchner (2002), le consentement éclairé du patient n’est pas un simple formulaire à signer — c’est une discussion. Et cette discussion ne peut être menée efficacement que dans un cadre relationnel solide, où le patient se sent écouté, compris, respecté.
Communication bienveillante : plus qu’une attitude, une compétence thérapeutique
Derrière le terme parfois galvaudé de « communication bienveillante », on parle en réalité d’un levier thérapeutique à part entière, et non d’une simple posture de gentillesse. Il ne s’agit pas seulement de rassurer avec un sourire ou de faire preuve de politesse : il s’agit d’adapter son discours aux émotions du patient, en tenant compte de son vécu, de ses peurs, et parfois de ses résistances.
Concrètement, une communication bienveillante repose sur trois piliers opérationnels qui font toute la différence au fauteuil :
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L’écoute active, pour réellement entendre ce que le patient dit… et ce qu’il ne dit pas ;
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La reformulation empathique, pour valider ses émotions sans les minimiser ni les juger ;
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La transparence pédagogique, pour expliquer sans complexifier, proposer sans imposer.
Ces techniques sont simples, accessibles, et peuvent transformer profondément la qualité de la relation de soin. Elles s’apprennent, s’adaptent, et s’intègrent facilement dans le quotidien du cabinet, à condition d’y accorder un peu de place.
Sur le terrain : techniques concrètes pour cultiver la bienveillance en cabinet
La théorie, c’est une chose. Mais en pratique, comment cette communication bienveillante se traduit-elle ? Voici un tour d’horizon des gestes et paroles qui, au quotidien, peuvent améliorer l’expérience patient sans alourdir la consultation.
1. L’écoute active : créer un espace où le patient peut s’exprimer
Souvent citée, rarement appliquée dans toute sa richesse. L’écoute active, ce n’est pas hocher la tête distraitement en remplissant un dossier. C’est poser ses outils, lever les yeux, et accorder une attention pleine et entière à ce que dit le patient.
Cela passe par :
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un contact visuel régulier et apaisant ;
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des silences maîtrisés (ne pas interrompre trop tôt) ;
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une reformulation claire du propos du patient, par exemple :
« Si je comprends bien, ce qui vous inquiète le plus, c’est la douleur pendant le soin ? »
👉 Une phrase toute simple, mais qui prouve que le patient a été entendu — et compris.
2. La reformulation empathique : accueillir les émotions sans minimiser
Combien de patients entendent encore des réponses du type :
« Ce n’est pas grave » ou « Ce sera vite passé » ?
Ces phrases, même bien intentionnées, ferment souvent la porte à la discussion. En face, il y a parfois une peur réelle, issue d’une mauvaise expérience passée. Ou simplement une anxiété mal exprimée.
Adopter une reformulation empathique, c’est dire par exemple :
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« Je comprends que vous soyez tendu, c’est une réaction fréquente »
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« Beaucoup de patients ressentent ça, on va prendre le temps »
🎯 Cela ne rallonge pas la consultation, mais installe une dynamique de confiance immédiate.
3. La communication non-verbale : le corps parle avant les mots
C’est un classique : 70 % de la communication passe par le non-verbal (Mehrabian, 1971). Et pourtant, trop de praticiens — souvent par automatisme ou pression du planning — oublient cette dimension essentielle.
Quelques réflexes à cultiver :
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une posture ouverte (ne pas se replier derrière l’écran) ;
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un visage calme, non crispé par la concentration technique ;
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des gestes posés, non précipités.
💡 Un simple moment de pause avant de parler — une respiration, un regard — peut suffire à créer un climat relationnel apaisé.
4. Le langage clair : informer sans impressionner
Le jargon technique, en cabinet dentaire, peut vite devenir un mur. Utiliser des termes précis est utile… mais pas sans explication immédiate.
Exemple : « On va procéder à une pulpectomie – c’est-à-dire retirer la partie infectée à l’intérieur de la dent, sous anesthésie. »
Et si le patient fronce les sourcils ? On reformule. On vulgarise. On répète s’il faut.
Ce n’est pas une perte de temps, c’est un gain de compréhension. Et un élément central du consentement éclairé.
Ce que cette approche change concrètement pour les chirurgiens-dentistes
Adopter une communication bienveillante, ce n’est pas réinventer toute sa pratique. Ce sont des micro-ajustements dans la posture, les mots, le regard, qui — mis bout à bout — transforment la relation avec le patient.
Concrètement, les bénéfices sont nombreux :
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Moins de résistance aux soins (et donc plus de plans de traitement acceptés) ;
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Moins d’interruptions et de tensions pendant les consultations ;
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Moins de malentendus pouvant déboucher sur des conflits, voire des plaintes ;
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Une ambiance de cabinet plus sereine, notamment si l’équipe toute entière adopte cette culture relationnelle.
D’ailleurs, la communication thérapeutique commence à intégrer de nombreux DU en gestion de cabinet ou en relation soignant-soigné. Une reconnaissance académique bienvenue, qui souligne à quel point cette compétence est devenue incontournable.
La communication bienveillante ne relève plus du “plus” relationnel. C’est devenu une compétence clinique à part entière, au même titre que la précision d’un geste technique ou la rigueur d’un diagnostic. En cabinet dentaire, elle permet d’apporter une réponse concrète à l’un des freins les plus puissants à la prise en charge : la peur du patient.
Anxiété, méfiance, abandon de soin… Ces réactions sont fréquentes, mais elles ne sont pas inévitables. En instaurant un climat de confiance, basé sur l’écoute, l’empathie et la clarté, le praticien facilite l’adhésion thérapeutique. Il évite les conflits, réduit le stress pour lui-même comme pour son équipe, et améliore durablement la qualité de la relation soignant-soigné.
Ce n’est pas une révolution. C’est une évolution logique. Car les attentes ont changé : les patients recherchent désormais plus qu’un soin efficace. Ils attendent une posture humaine, pédagogique, respectueuse de leur ressenti.
Intégrer cette approche, c’est aussi valoriser sa pratique professionnelle : non seulement en fluidifiant les consultations, mais en réaffirmant le rôle du chirurgien-dentiste comme un véritable acteur de la relation de soin. Moins d’opposition, plus de coopération.